Aujourd'hui,
j'ai lu le témoignage d'une amie à moi, ô combien cultivée et avancée sur le
chemin de la découverte de soi, à mes yeux, qui m'a beaucoup touchée et
attristée.
Elle
parle de son expérience lors d'une tentative d'embrigadement dans une secte. Elle
parle de la technique de manipulation que certaines personnes peuvent utiliser
pour pouvoir arriver à leurs fins.
Les
méthodes où les mots utilisés sont empruntés au vocabulaire du développement
personnel, d'où le côté inquiétant de mon point de vue. Parvenir à discerner
tel est notre enjeu lorsque nous désirons faire un chemin de travail sur soi.
Il y a tellement de propositions, et tellement de tout et du n'importe quoi...
Où
est la vérité ? Si tant est qu'il y en ait une.
A
nous de nous écouter, écouter notre cœur et décider de quelle voie nous voulons
vraiment suivre à l’intérieur.
Je
vous laisse découvrir ce témoignage poignant.
Laure Fontaine
Un retour à soi…Mon expérience avec une secte....
« Lorsque les mots perdent leurs sens, les gens perdent leurs
libertés », Confucius.
Eh
oui, toute naïve que je suis...cela m’est bien arrivé.
J’en
suis encore toute retournée. Je me suis rendue compte, trop tard, mise devant
le fait accompli, qu’une de mes amies me manipulait depuis plusieurs mois, tout
ça pour me conduire à une conférence. « Tu ne vas probablement pas tout
comprendre, mais ce sera très intéressant, ça devrait te plaire », me
disait-elle alors pour présenter cette soirée. Le discours est caché et assez
nébuleux. Je ne me suis pas méfiée une seconde. J’avais promis de
l’accompagner. Elle est mon amie. Je suis son amie. Cela suffisait. Par ces
liens d’indéfectible confiance, je lui avais promis de venir avec elle car elle
pensait y rencontrer une personne qui, selon elle, allait la faire se sentir
mal. Son ex. Elle avait peur de la croiser, ne savait pas comment elle allait
réagir en sa présence...alors pour la soutenir, lui montrer qu’elle n’était pas
seule, pour l’épauler, j’ai dit oui, pour la rassurer.
Quelle idiote je fais !
Quelle idiote je fais !
Vers
19h30, nous voilà parties avec l’une de ses amies (adepte comme elle, je m’en
rendrais compte plus tard) à cette soirée. Arrivées au lieu-dit, nous sommes
rentrées dans une salle, pas très grande, des chaises étaient disposées en arc
de cercle autour d’un fauteuil central qui allait servir à l’intervenant.
Je
fus surprise par le nombre de personnes présentes. Facilement une cinquantaine.
Pas de pub, ni de flyers, pas d’affiches ni de présentation de la personne ou
du sujet...étrange. Mais cette question je ne me la suis pas posée tout de
suite. J’étais en confiance, avec une amie.
Chacun
prend place, et je constate l’air solennel qui découle de l’atmosphère :
je ressens quelque chose de plutôt pesant, je sens bien qu’il n’est pas
question ni d’interrompre, ni même de bouger...il ne faut pas déranger le
maître.
Puis,
il s’assoit et demande à l’assemblée qui sont les nouveaux, qui n’a jamais fait
de stages avec lui, qui vient pour la première fois...je n’ose lever la main,
mon amie m’encourage « vas-y ! lève la main. Je suis certaine que tu
trouveras les réponses à tes questions. Ecoute bien ». Son regard
rassurant, sa voix posée...et je ne vois rien.
A
peine les premiers mots prononcés de l’intervenant (qui ne s’est d’ailleurs pas
présenté) j’ai tout de suite saisi la portée de l’endroit où je me trouvais.
Il
commença son récit en nous expliquant que jeune homme, il avait été
diagnostiqué par des médecins et des spécialistes comme ayant de graves
troubles de la personnalité. Il poursuivit sont récit en nous expliquant que
ces crétins de médecins, tous bardés de diplômes n’avaient rien compris :
il était en contact avec des êtres supérieurs qui l’avaient élu pour lui
dévoiler la vérité.
Approbation
sans faille de la salle. Les médecins : tous des incompétents...
Du
regard, je fais le tour des personnes présentes : que leur est-il
arrivé ? que s’est-il passé chez elles pour qu’elles croient
cela ?
Le
discernement les avait-elle quittés ? Ou était-ce juste de la complaisance
face à ce discours sans sens ?
Poursuivons.
Puis
voici notre intervenant partir dans des explications aussi mystérieuses
qu’incompréhensibles : ses phrases ne sont jamais terminées, il souffle un
début de définition de terme ou de vérité qu’il ne peut finalement pas dévoiler
car nous ne sommes pas assez éveillés. Il nous affirme voyager souvent dans des
lieux cosmiques, dans le monde extra-terrestre afin d’y rencontrer ses maîtres
spirituels.
Il
utilise à outrance le syncrétisme religieux, mélangeant toutes les croyances et
toutes les pratiques, utilise des termes tels que « sphère
cosmique », « voyages astraux », « entités
supérieures », « maîtres spirituels » ... il dit, affirme, mais
n’explique rien.
Personne
ne bronche dans la salle. Tous sont très (trop ?) concentrés et boivent,
approuvent, ravis d’être les dépositaires de ces secrets révélés à eux seuls.
Deux
heures de discours sans aucun sens, sans fil conducteur. Il dit, nous devons le
croire et approuver.
Il
affirme sans preuves : elles ne servent à rien. On doit le croire sans
sourciller. Normal : il détient la vérité !!
Et
toute l’assemblée est attentive et avide de savoir la suite...eh oui, à chaque
phrase, on attend cette suite, qui n’arrive jamais. On souhaite savoir...mais
pour cela, « il suffit de vous inscrire aux nombreux stages eux-mêmes
déclinés en plusieurs niveaux afin d’atteindre la conscience supérieure et
éveillée ».
Et
puis, ses apprentissages, il les détient de maîtres spirituels d’autres galaxies,
pour les plus prestigieux, mais aussi par des tibétains, entre autres. Il ne
parle pas le tibétain, non, trop vulgaire ; cet enseignement, il l’a reçu
par des signes...
Il
est guérisseur, hautement qualifié par ces êtres de l’au-delà et sa connaissance
si spéciale, il est le seul à pouvoir le transmettre au groupe. Impossible de
vérifier ses sources, il utilise un jargon ésotérique, mélangé à celui des
sciences, sorties de leurs contextes et détournées pour servir sa parole de
vérité.
Il
nous raconte en détail ses voyages astraux, les entités qu’il rencontre, les
« sas » à franchir au fur et à mesure de l’enseignement qu’on lui
transmet. Aujourd’hui, il est au plus haut niveau et pas plus tard que la
semaine dernière, il a été invité auprès du tout puissant car il est celui qui
sait et qui lui transmet le vrai.
On
doit le croire, sans sourciller, ni douter.
Il
sait.
Pas
nous.
Nous
avions quitté tout sens commun. Comme flottant dans une autre dimension où il
nous avait entraîné avec ses paroles floues, nous étions à sa merci. Ses yeux,
son regard de démence installaient un déséquilibre profond dans les consciences
de chacun. Tous nos repères habituels étaient brouillés, comme s’il souhaitait
faire un reset de notre cerveau et qu’il le reconditionnait à sa convenance.
Alors
pour sortir de là, je suis entrée en méditation, pour fuir, j’ai pensé très
fort à ce qui me rattache à la vie, au plaisir et à ce qui me rassure. Cela m’a
permis de m’extraire de son discours invasif et dévastateur.
A
ceux qui oseront lui poser des questions en fin de séance, il ne dira rien,
sauf « tu n’as pas le niveau, tu ne peux pas comprendre, il faut venir aux
stages et passer tous les niveaux pour être conscients et comprendre ».
Et
puis cette parole se termine, enfin, par une méditation en l’honneur de la
musique des sphères. Celle que les extra-terrestres lui ont appris là-haut. Bol
tibétain, lyre, pour entendre le cosmos dans toute sa splendeur et sa
nébulosité.
La
conférence est terminée. Il est temps de discuter avec les autres, les adeptes,
les personnes qui seront élues. Car oui, il est à la recherche de 12 apôtres,
12 élus, les meilleurs d’entre tous, qui seront assez éveillés et sûrs de
pouvoir à leur tour transmettre et éveiller des consciences pourries par la vie
quotidienne.
Car
oui, ils sont les savants, les élus, les autres sont des déchets incapables de
comprendre et de se rendre compte de tous les enseignements que ces êtres
extra-terrestres peuvent nous apporter...
Mon
« amie » se tourne vers moi, heureuse, contemplative, toute emplie de
cette parole entendue...
« Alors,
qu’en as-tu pensé ? C’était intéressant, hein ? ».
Je
suis perdue et ne sais quoi lui répondre pour ne pas lui faire de la peine. Je
me sens très mal : j’ai envie de quitter ce lieu au plus vite, de
m’enfuir. Car je me sens en danger. J’ai eu peur. J’ai eu très peur. J’ai eu
peur pour mon âme, pour ma conscience, à plusieurs reprises, je me suis sentie
happée, comme prise dans des filets qui cherchaient à emprisonner mon esprit,
se l’accaparer, le détruire, lui faire quitter les nuances et le raisonnement
pour accepter l’inacceptable, le n’importe quoi intellectuel, le miasme, la
boue, les méandres vaseux qui perturbent et désorganisent l’esprit.
Elle
insiste. La seule phrase que je suis capable de lui sortir à cet instant est
« j’ai l’impression d’être dans une secte ».
Elle
me répond que c’est exactement ce qu’elle a ressenti aussi la première fois
qu’elle est venue, et qu’en revenant encore et encore elle avait été persuadée
du contraire, que cette démarche l’élevait spirituellement et que sa conscience
était plus éclairée encore. Elle fait partie de l’élite. Le reste n’a aucune
espèce d’importance.
Je
lui explique que je me sens mal, que j’ai juste envie de partir, que je n’ai
rien compris, qu’il n’a été que le vecteur d’un grotesque discours, sans sens,
sans fil conducteur, détestable avec les gens, les méprisant de toute sa
hauteur de savant fou et que je ne comprends pas ce qu’elle fait dans ce
groupe, avec ces personnes.
Elle
travaille et me fait entendre qu’elle est l’une des élues. Elle suit assidûment
les cours et leurs principes et l’idée est de les répandre au plus large
d’entre nous tous.
Sur
le chemin du retour, je suis sans voix, encore abrutie et craintive de ce qui
s’est passé. J’ai juste envie de rentrer chez moi.
Dans
la voiture qui nous ramène, j’entends son amie qui nous a accompagné lui
expliquer qu’elle est en contact étroit avec des raéliens. Que c’est
formidable.
Je
suis sonnée. Qu’ai-je bien pu faire pour qu’elle puisse croire que j’allais
adhérer à cela ?
Nous
nous sommes revues trois jours plus tard.
Mardi
matin très exactement.
A
la question banale, « comment tu vas », je lui ai répondu que je ne
m’étais pas remise de ma soirée. Que je me sentais encore mal. Trahie. Salie.
Honteuse de m’être laissée berner.
Elle
sourit. Puis rit. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas que je n’ai pas
compris. Sa démarche était selon elle complètement altruiste, pour me faire
entrer dans le cercle. Me montrer son monde. Ses initiés. Ses élus. Me faire
connaître sa formidable culture qui l’élève au-dessus de la masse et de la
fange des personnes si basses qu’elles ne valent rien. Elles n’y sont pas.
Elles sont donc inutiles à la société.
Depuis,
j’ai honte de l’admettre, mais je ne sais plus comment réagir avec elle. Elle
m’a manipulée. C’est le sentiment que j’ai et dont je n’arrive pas à me
détacher. Peut-être ai-je tort ? Malheureusement, je ne le pense pas.
D’autant que je lui ai promis de ne parler de cela à personne, que cette soirée
si étrange resterait entre nous...alors qu’elle ne s’est pas gênée pour
anticiper et prendre les devants pour parler de cela à qui voudrait bien
l’entendre et me dénigrer aux yeux des autres. Elle appelle, explique qu’elle
m’a emmenée à une soirée et qu’au grand jamais ce n’est une secte. C’est moi
qui ai mal interprété et qui n’ait rien compris. Elle use et abuse de ce que je
lui ai raconté de mon histoire personnelle en expliquant que c’est ma fragilité
qui m’évite toute compréhension.
Hier,
mercredi, nous nous sommes vues.
Contact
bref, à peine 30 minutes.
C’est
moi qui avais posé le rendez-vous. Je voulais la voir, parler, discuter avec
elle. Revenir sur cette étrange soirée.
Elle
avait accepté.
C’est
moi qui ai parlé, je lui ai dit mes craintes, mes inquiétudes, notre amitié que
je sentais disparaître, le mal-être dans lequel j’étais depuis.
Rien.
Aucune parole ne sortait de sa bouche. Elle me regardait fixement, comme fâchée
d’avoir été démasquée.
Que ses intentions n’étaient pas aussi louables qu’elle avait bien voulu me dire.
Que ses intentions n’étaient pas aussi louables qu’elle avait bien voulu me dire.
Les
reproches qu’elle m’a faits : « tu as changé avec moi, tu n’es
plus la même », « Ton sms de dimanche n’était pas sympathique »
Non,
ce n’est pas moi qui ai changé, c’est elle qui m’évite. Je le vois bien, à
chaque fois que nous nous croisons, elle me fuit. Selon une amie que nous avons
en commun, c’est parce qu’elle a peur que je parle de cette soirée. Elle a peur
de l’image que je pourrais véhiculer sur elle.
Mais
je ne vais rien dire. Je reste sur ma position que c’est une soirée privée, qui
nous concerne toutes les deux. Cela ne regarde personne d’autre.
Et
ce sms, effectivement je reconnais volontiers qu’il était froid. Mais elle
venait de poster sur notre site internet l’un des enseignements de son gourou,
« le pardon christique », qui consiste à écrire 140 fois par jour et
pendant 7 jours d’affilée les raisons pour lesquelles on pardonne à celui qui
s’éloigne de nous... « Tu n’as jamais fait ça ? » me
demande-elle presque naïvement. Non, sauf lorsque punie à l’école je devais
faire des lignes...jamais je ne me serai infligée cela volontairement, ni
jamais je n’en aurais eu l’idée...
D’ailleurs,
ce site internet que nous avons crée ensemble devait initialement être une
sorte de magazine féminin avec des articles frais et légers. Aujourd’hui, face
à elle, je me rends compte qu’il est un prétexte, un vecteur pour essaimer la
parole de son gourou et de sa secte.
Je
lui ai parlé de secte, je lui ai dit les recherches que j’avais faites, je lui
ai démontré que les paroles de « son maître » étaient les mêmes que
celles que j’avais trouvé sur des sites sectaires. Elle me regardait
attentivement, fixement, et n’a jamais démenti. Comme si elle avait été
confondue, se rendant compte que je n’étais plus dupe de ses manipulations...
Une
douche froide pour elle, comme pour moi.
Elle
ne s’est pas excusée, elle n’a pas cherché à discuter.
Comme
j’avais démarré la conversation, j’y ai mis un terme. Je la sentais mal à
l’aise et je ne voulais pas la mettre plus en difficulté. Elle est fine,
intelligente, diplômée, je pensais pourvoir avoir une conversation sereine,
adulte, avec du discernement et des explications, un dialogue, simple,
construit et argumenté. Rien. Elle ne m’a rien donné. Comme si elle se
contrôlait volontairement. Elle écoute patiemment, ne dit rien, ne parle pas,
ne sourcille pas, me fixe, me regarde en face, sans laisser transparaître une
émotion.
Nous
nous sommes quittées sur cette place, 30 minutes plus tard.
30
minutes et une soirée pour ruiner une amitié.
Lettre à celle qui m’a trahie,
« Tu avais le choix de ne pas me faire peur et de me respecter dans mes croyances et dans mon intégrité.
Au
lieu de cela, tu m’as entrainée délibérément dans une secte, en toute
connaissance de cause. Délibérément. En toute conscience de ce que tu faisais
et de ce que tu projetais pour moi.
J’ai
l’esprit très ouvert me dis-tu. Oui, certes. Et justement je veux le conserver
ainsi. Je ne veux pas être enfermée dans un système de pensée
totalitaire, démentiel, fou. Tu m’as dit que cela allait certainement me
plaire, me convenir car j’ai cette capacité d’écoute et de compréhension. Oui,
là devant toi, dans ce café, en cet instant, je comprends avec tristesse que tu
as tissé une toile autour de moi pour me manipuler et m’entraîner dans cette
secte. Cette soirée était complètement calculée, je faisais partie des
recrutés. Je ne le comprends amèrement que maintenant.
Me
voir déstabilisée et mortifiée face à ce discours manipulateur, tu jubilais. Tu
as parfaitement réussi ton coup : je me suis sentie en danger, absolu et
total. En m’emmenant là-bas, tu n’étais plus avec moi. Tu étais de l’autre
côté. Celui des adeptes et de la secte.
Une
véritable amie ne mettrait jamais en danger ceux qu’elle aime. Toi tu l’as
fait. »
Catherine
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