Moi et mon père

22 mars 2022,

ALORS PAPA TU VAS COMMENT ?


Je me pose cette question tous les jours, moi qui ai tant besoin de contrôle … et là je me rend compte que je n’ai aucun contrôle sur la vie et sur ce qui arrivera demain. 

Tu vas vivre ? Tu vas mourir ? 

Regarder ce qui se déroule sous mes yeux.

Ne pas vouloir voir … 

et pourtant, c’est aussi ça la vie, la vieillesse, la maladie, la décrépitude du corps. Moi qui ai mis du "beau" sur tous les corps humains que j’ai rencontré depuis l’âge de mes 19 ans…


6 mai 2022 CHAMBRE 345, 3ème ETAGE du Confluent...

Le confluent : la croisée des fluides, de la vie, et pourtant ...


Nous faisons des allés retours tous les jours depuis mardi 3 mai. L’aide soignante nous a dit que tu pouvais partir dans la nuit. Alors on arrête de bosser, et on se dit, on ira tous les jours jusqu’au bout avec Lili et Caro. C’est ce que nous faisons. 


Cela nous parait être exceptionnel et en même temps tellement de gens vivent cela, voir pire, perdre un enfant ou les atrocités de la guerre par exemple. 


Mais pour nous rien est pire, avec un gout de revenez-y d’avril 2009, AVC de maman, pronostique vital engagé pendant 72H…


C’est clair, de plus en plus, et là face à la mort, je prend acte que je ne contrôle rien. 


Pour nous occuper, nous gérons de l’administratif, dans notre for intérieur, on voudrait que ça s’arrête et en même temps nous vibrons un grand « NON, papa ne pars pas »


Alors quoi faire ? 

des méditations, 

des prières, 

tchatcher avec Natan, 

travailler … 

mais rien n’enlève cette pensée obsessionnelle … Papa… Ta vie, notre vie. 

Ça tourne en boucle. Et si ceci … Et si… cela … 

Tu n’étais vraiment qu’une tête de mule, 

un dur à cuire qui n’en faisait strictement rien qu’à sa tête. 


Qu’est ce que tu m’as saoulé avec ton téléphone !!! Et en même temps, toujours tourné vers les autres et nous en particulier. « Tout de façons tu sais Loho, on est là », « tu nous demandes si t’as un problème ! » Idem avec Caro et Lili…  


Mais tu sais papa j’ai 50 ans, je gère !! 


Ouais, j’ai 50 ans, mais la petite fille qui a 7 ans, c’est elle qui pleure,  

c’est celle qui attendait derrière la fenêtre que tu reviennes de voyage
. 

Celle qui adorait venir avec toi à Bonne Garde le dimanche matin, 

qui a dansé à la Revue pour plaire à son père et j’en passe. 

Combien de fois j’ai entendu « oui…enfin… toi et ton père »

Bah ouais, moi et mon père … 

C’était moi et mon père … Ça reste moi et mon père

et y a rien d’autre à dire, à part "je t'aime papa"


Laure Fontaine
Un retour a soi...
www.maison-du-soin.com

Commentaires

  1. Merci Laure pour ce message "c'était moi et mon père". Le temps passe et je vois mon parcours. Je t'embrasse Laure et je partage tes valeurs. A très vite.

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  2. Même si la mort me dérange … j’ai lu l’article. Merci Laure

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  3. Nous en sommes là, Laure, à faire ce constat que nous sommes bien peu de chose, par rapport à l'ordre universel. Quand la vie est bien "faite", elle favorise le temps de la réflexion, alors nous prenons conscience et nous agissons en accord avec ce qui nous semble juste, pour ne pas avoir de regret, de remord.
    Être là, retenir notre parent de s'en aller ou l'autoriser à partir quand la souffrance dure longtemps, quand le rapport joie de vivre et souffrance n'est plus favorable...
    Même partis, ils restent quand même parmi nous, et quand nous nous adressons à eux, qu'on les interroge, ils nous montrent la voie. Celle de la confiance.
    Moi aussi je tremble pour ma maman malade, pour mon papa épuisé, qui se montre parfois tyrannique et je lui pardonne car ce qu'il vit est si dur...
    Un deuil reste un apprentissage, il nous faut apprivoiser l'idée d'être seul.e, face à notre vie. Mais nous portons tout l'amour de nos parents dans notre coeur, pour toujours.

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